Paru sur Boursorama.com
Wall Street se voyait déjà début décembre conquérir le Graal des 18.000 points mais la chute de l’or noir fait planer l’ombre d’un risque systémique sur des marchés américains angoissés par la perspective d’avoir trop misé sur l’énergie. Le Dow Jones, indice vedette de la place new-yorkaise, qui s’était hissé le 5 décembre jusqu’à 17.991,19 points, a perdu en une dizaine de jours près de 1.000 points (-5%) dans une atmosphère extrêmement volatile. Et pourtant aux États-Unis, l’emploi reprend, la consommation revient, la production industrielle accélère et la croissance devrait s’afficher en hausse de plus de 3% l’an prochain. « Avec l’économie que l’on a aux États-Unis, on devrait être aux 18.000 points, tous les voyants sont au vert », assure Gregori Volokhine, de Meeschaert Financial Services. Mais si les économies russe, européenne et asiatiques inquiètent et le fort regain du dollar gêne, l’accélération du plongeon des prix du brut est selon M. Volokhine le grand « épouvantail » des marchés. « En général, la baisse des prix de l’énergie est très positive pour l’économie. En baissant le coût du chauffage, de l’électricité et des transports, cela donne plus d’argent aux consommateurs et aux sociétés pour le dépenser ailleurs », explique Peter Schiff, d’Euro Pacific Capital. Le hic, c’est qu’après avoir investi des sommes astronomiques dans le secteur de l’énergie, en particulier dans l’exploration et la production d’hydrocarbures non-conventionnels, l’économie américaine s’est beaucoup exposée aux aléas d’un secteur qui pèse jusqu’à 13% de l’indice boursier S&P 500 et jusqu’à 30% de ses dépenses d’investissements, préviennent les analystes. Le titre de la major pétrolière ExxonMobil a ainsi perdu près de 17% depuis l’été, tandis que celui d’une plus petite société d’exploration comme Linn Energy, très endettée, a chuté de 60% environ. Et beaucoup craignent que cette glissade ne contamine le reste du marché. – Krach obligataire? – Le premier signe de fébrilité « s’est fait ressentir dans le marché obligataire, où tous ceux qui étaient très exposés sur les investissements spéculatifs dans l’énergie les ont vendus », provoquant un envol des taux, relève M. Volokhine. Face à cette saignée, les rendements ont plus que doublé dans le secteur des investissements spéculatifs depuis fin juin, passant de 5,03% à 10,08%, selon Martin Fridson, de Lehmann Livian Advisors, citant un indice BofA Merrill Lynch sur la dette à risque. Appâté par les promesses offertes par l’explosion de la production d’or noir aux Etats-Unis, à des plus hauts depuis 30 ans, et par des prix encore élevés jusqu’à la mi-juin, les PME de l’énergie ont été les premières à s’engouffrer dans la brèche. Les obligations d’entreprises à taux élevé — considérées comme risquées — ont ainsi connu une progression deux fois plus rapide dans le secteur de l’énergie que dans le reste du marché sur les cinq dernières années, souligne Martin Fridson. Elles atteignent environ 203 milliards de dollars actuellement contre seulement 87 milliards en 2009, selon l’indice BofA. La politique d’argent facile de la Réserve fédérale « a incité davantage d’investisseurs, même frileux, à investir dans le marché des obligations spéculatives en rendant moins attractifs les rendements des bons traditionnels », résume Chris Lafakis, de Moody’s Analytics. Ces mesures ont ouvert les vannes du crédit à des jeunes entreprises mais certains analystes craignent qu’elles aient aussi abouti à la formation de bulles financières, dont le risque d’un éclatement pèse sur les marchés. Des analystes de Deutsche Bank ont prévenu qu’une part non négligeable des sociétés en catégorie spéculative pourraient être incapables d’honorer leurs engagements si les prix du WTI (la variété de pétrole cotée à New York) tombaient durablement sous 55 dollars le baril, comme c’est le cas depuis lundi. Les inquiétudes croissantes sur une contagion s’étendant aux grandes banques sont en revanche exagérées, selon M. Lafakis: « seules quelques institutions régionales détenant un ratio important de dettes sur l’énergie risquent d’être affectées par des défauts » à ce stade. Du côté du marché du travail, « une grosse part des emplois à haut salaire créés ces dernières années viennent de l’énergie », note Peter Schiff. Or « le ralentissement des dépenses d’investissements se fait déjà ressentir dans le Dakota du Nord et du Sud ou le Texas », berceaux américains de l’essor du schiste, menaçant la courbe ascendante des embauches, souligne-t-il. Au final, « si le pétrole perd encore 10 dollars, tout le monde dira que c’est la nouvelle crise des +subprimes+ mais on en est pas encore là », conclut M. Volokhine.
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